« S’il sortait aujourd’hui, Mulan serait accusé d’être woke »… 5 questions sur les dessins animés et le « wokisme »
Sommes-nous en plein « Wokistan » ? Le « wokisme », un terme utilisé pour dénigrer les idées progressistes, fait l'objet d'analyses approfondies dans les médias. Un mot si courant et controversé qu'il devient difficile à évaluer avec neutralité. C'est dans cette perspective que Marie-Lou Dulac, fondatrice de DIRE & Dire, une agence de conseil en diversité et inclusion, a publié un ouvrage dédié à cette question, en utilisant des exemples tirés de la culture populaire.
À quelques jours de la sortie de son livre intitulé Diversité et Représentation, Décrypter la « pensée woke » dans la pop culture, 20 Minutes lui a posé cinq questions sur les dessins animés et le « wokisme ». De La Petite Sirène Noire à Blanche-Neige sans les nains, en passant par le Mulan « wokisme », Marie-Lou Dulac nous éclaire sur ces sujets brûlants.
La Petite Sirène peut-elle être noire ?
La controverse autour de l'actrice Halle Bailey a commencé dès l'annonce par Disney que l'actrice principale du film en live-action de La Petite Sirène [sorti en 2023] serait une femme noire. Les réactions ont atteint un niveau de violence extrême lors de la diffusion de la bande-annonce, avec une avalanche d'insultes racistes obligeant la désactivation des commentaires. Un internaute a même modifié la couleur de sa peau pour la rendre plus proche de celle de la sirène du dessin animé de 1989. Certains ont avancé des arguments pseudo-scientifiques, prétendant qu'une sirène vivant dans les profondeurs océaniques ne pouvait pas être noire, puisque les rayons du soleil ne l'atteignent pas. La polémique a pris une telle ampleur que des biologistes marins ont dû intervenir pour rappeler l'existence de poissons noirs dans les abysses.
Disney est-il en train de dénaturer Blanche-Neige avec son remake prévu pour 2025 ?
Comme pour La Petite Sirène, il s'agit d'un remake. Or, les remakes déçoivent souvent ceux qui sont nostalgiques de leurs souvenirs d'enfance. Dans le film d'animation de 1937, Blanche-Neige n'a pas d'agence propre : elle attend son prince, chante « Un jour mon prince viendra », se retrouve exposée dans un cercueil de verre, et reçoit un baiser d'un prince qu'elle ne connaît pas et qui l'aime uniquement pour sa beauté. Tous ces éléments ne sont plus en phase avec les valeurs contemporaines. D'ailleurs, Disney avait déjà pris de grandes libertés avec le conte des frères Grimm dès 1937. Dans le conte, Blanche-Neige se réveille car le morceau de pomme coincé dans sa gorge est délogé. Ainsi, le baiser du prince était déjà une invention de la société américaine.
Certains reprochent également à Disney d'avoir remplacé les nains par des créatures magiques. Mais là encore, d'autres versions du conte existent où les nains sont en réalité des dragons, des génies, voire des ogres. Le conte pourrait également s'inspirer d'un fait divers du XVIe siècle où des enfants travaillant dans les mines étaient surnommés "nains" par les habitants de la région.
Un personnage de dessin animé peut-il être homose* xuel ?
C'est une question complexe. De nombreux fans espéraient qu'Elsa ferait son coming-out lesbien dans La Reine des Neiges 2 [sorti en 2019]. Étant donné le succès du film, l'enjeu financier a sans doute été pris en compte. Cependant, les représentations LGBT+ restent rares dans les films Disney : on peut citer un baiser dans Buzz l'Éclair [2022], qui a été retiré puis réintégré, mais c'est à peu près tout. En interne, le sujet crée des tensions. En 2022, le PDG a d'abord refusé de condamner la loi « Don't Say Gay » en Floride, mais les employés ont fait pression jusqu'à ce que Disney fasse une déclaration affirmant qu'elle n'approuvait pas cette loi.
Il semblerait que dans Alerte Rouge [2024], un film d'animation où une adolescente se métamorphose en panda roux géant, des tensions soient également apparues entre Pixar, qui souhaitait inclure des personnages homosexuels, et Disney. Pixar a déjà représenté des personnages homosexuels, notamment dans son court-métrage Out, sur le coming-out. Par ailleurs, certains studios de production sont encore plus inclusifs. De nombreux films d'animation sur Netflix présentent des personnages LGBT+, comme Le Prince des Dragons [2018], où deux reines sont mariées et où cela est présenté comme une situation tout à fait normale.
Devrait-on boycotter « Les Aristochats » ou « La Belle et le Clochard » ?
Ces films, sortis en 1970 et 1955, contiennent des représentations racistes qui étaient inacceptables à l'époque et le sont encore aujourd'hui. Ils ont vieilli et reflètent la mentalité d'une autre époque. Toutefois, il semble inutile de prôner leur boycott. Il est préférable d'informer les spectateurs, notamment les enfants, sur les problèmes que certains passages posent. Surtout, il est essentiel de leur faire découvrir d'autres œuvres : la diversité leur permettra de développer leur esprit critique.
Le film d'animation « Mulan », sorti en 1998, n'était-il pas déjà « woke » ?
Si Mulan sortait aujourd'hui, elle serait accusée d'être woke. Toute tentative de montrer l'émancipation d'une femme, surtout si elle est racisée, est aujourd'hui suspectée de wokisme. Mais alors que le dessin animé montrait un personnage féminin qui s'émancipe, se transforme et évolue, le film en live-action [sorti en 2020] présente Mulan comme une héroïne parfaite dès le début. Personne ne peut s'identifier à une figure de perfection aussi irréelle. Il existe des millions de films médiocres mettant en scène des héros blancs, musclés et lisses, mais dès qu'il s'agit d'une femme, surtout racisée, on critique le film en raison de ce choix. C'est comme si représenter une femme noire était considéré comme politique alors que représenter un homme blanc était neutre et apolitique, alors que ce choix peut tout aussi bien être politique. C'est ce qui rend ces accusations de wokisme très perturbantes.
Source: Diane Regny pour 20 Minutes
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